Je partage mon bureau avec ma copine, notre petit appartement de Montréal oblige. Elle a donc assisté aux premières loges du montage du balado Origines : de l’adoption aux retrouvailles, qui plonge dans des histoires d’adoption touchantes. À plusieurs reprises, elle s’est retournée au son de profonds sanglots, incertaine de la façon de m’aborder. Je pouvais rapidement lui confirmer que les témoignages sur lesquels je travaillais étaient touchants, rendant mon efficacité au montage parfois plus difficile, mais apportant une dimension combien plus profonde, passionnante et engageante.
Une première épuration
Commençons par le côté technique. Le processus de travail se passait comme suit: je recevais les témoignages des différents intervenants ou de Pierre-Jean, le narrateur et le réalisateur du balado. Ces discussions duraient environ 1 h 30. Des conversations candides, personnelles et uniques. Je les passais donc en revue afin d’enlever les passages inutiles, les moments hors entrevue, les reprises de questions, etc. De mon côté, j’avais donc le résultat complet, non édité de ces discussions, d’où les moments de grande émotion dans mon petit coin de bureau.
C’est avec ces discussions éditées pour une première fois que je pouvais monter les épisodes. J’allais chercher les moments forts et plus pertinents qui permettaient de préciser l’histoire de chacun et de la faire avancer dans un format balado de 30 minutes. De cette façon, on permettait aux intervenants de raconter leur histoire tout en entremêlant ces dernières avec l’avancement de la quête du narrateur.
Le pouvoir des pauses
Pour moi, l’un des aspects les plus importants dans le montage des témoignages (auquel je m’attendais plus ou moins) était l’importance des silences. Normalement, dans un balado plus corporatif ou informatif, on tente de couper les hésitations, de rendre le discours le plus fluide possible afin de permettre à l’auditeur de se concentrer sur l’information.
Pour Origines, bien sûr, il y a beaucoup d’informations, une histoire, du contenu chargé, mais une énorme partie de ce dernier est véhiculée par l’émotion. Émotion qui passe souvent par le silence, un soupir, une hésitation, un moment d’introspection. Un silence peut contenir énormément d’informations nécessaires à la compréhension d’un contexte, d’un message.
Donc, une bonne partie de mon travail lors de la production d’Origines ou, du moins, une partie pour laquelle j’accordais beaucoup d’importance, était de trouver le juste milieu entre conserver toutes ces pauses prégnantes et garder le tout sous un bon format de balado accessible et efficace. Personnellement, ce sont souvent ces pauses qui sont allées chercher le plus d’empathie chez moi.
Les derniers détails
Un second enjeu important du projet a été de bien faire paraître toutes ces personnes uniques qui livraient un discours honnête et personnel. Il est très facile de travailler avec un professionnel ou une professionnelle de la voix qui lit un texte, qui joue une scène écrite, qui anime dans la vie de tous les jours. Mais une personne comme vous et moi qui se fait mettre devant un microphone et donner des directives dans un studio (Pierre-Jean est un grand artiste là-dedans, j’adore travailler avec ses indications) ne pensera sûrement pas au fait qu’il faut prononcer un mot d’une certaine façon pour que celui-ci ressorte bien dans un microphone placé d’une manière précise à quelques centimètres de la bouche.
Les témoignages vulnérables avec lesquels je travaillais devaient ressortir le mieux possible ainsi qu’être clairs et agréables à écouter. Cela passe par le mixage, bien sûr, mais une grosse partie du travail reste dans les ajustements minutieux, faits «à la mitaine». Réduire les bruits de bouche, ajuster certaines prononciations moins claires, agencer différentes prises. Tout cela fait partie du plaisir!
J’ai été très touché de travailler sur un projet aussi personnel pour Pierre-Jean et sur tous ces témoignages intimes des merveilleux intervenants. C’est un privilège de faire partie d’une quête aussi importante, pleine de surprises et de conclusions inattendues. Et la prochaine fois que vous vous retrouvez dans une discussion émotive, pensez à moi et à mes silences et tentez de les remarquer. Vous verrez, ce sera sûrement un très bon moment pour penser au designer sonore de Phonique.
Élie Raymond
Designer sonore, Phonique
Pour écouter la série sur Radio-Canada Ohdio :